BLACK HI-VIS

BLACK HI-VIS #05, 2024
Encre sur textile et dispositif rétroréfléchissant
Textile ink and retroreflective device
154,7 x 236,4 cm

Black Hi-Vis est une série d’œuvres réalisée à partir de textiles réfléchissants « haute visibilité » montés sur châssis, et compartimentés selon une géométrie élémentaire. Obstinément planes, trompeusement esthétisantes, ces œuvres ne signent en rien une quelconque forme de retour autonomiste au tableau de chevalet. Dans le contexte plus large de leur élaboration, elles sont empreintes, elles aussi, de volume, sinon de gravité : celle de l’étoffe flanchant sous sa propre pesanteur et sur laquelle se répartissent les pigments ; celle de leur couleur de plomb et de ses nuances, dessinant d’inquiétants drapés. On retrouve dans les Black Hi-Vis toute la minutie qu’apporte Raphaël Denis à la fabrique menuisière de ses pièces, ainsi que son attachement inflexible aux notions de voilement et de dévoilement, auxquelles s’arrime le motif choisi. Observés de biais, ces trompe-l’œil évoquent les bâches de poids lourds à la marchandise confidentielle, rencontrés en périphérie des villes lors d’une errance nocturne. C’est donc dans la clandestinité que s’opère le retour à l’image qui, à peine révélée, joue néanmoins le rôle de son propre masque. Résolument sombre, la matière, chez Raphaël Denis, n’en demeure pas moins réfléchissante.

Black Hi-Vis is a series of works made from “high-visibility” reflective textiles mounted on a frame, and divided according to an elementary geometry. Stubbornly flat, deceptively aesthetic, these works in no way signal any kind of autonomist return to the easel painting. In the broader context of their creation, they too are imbued with volume, if not gravity: that of the fabric, sagging under its own weight and over which the pigments are spread; that of their leaden color and its nuances, drawing disturbing draperies. The Black Hi-Vis reflect Raphaël Denis’ meticulous attention to detail in the carpentry of his pieces, as well as his inflexible attachment to the notions of veiling and unveiling, to which the chosen motif is tied. Viewed from an angle, these trompe-l’œil pieces evoke the tarpaulins of lorries carrying confidential merchandise, encountered on the outskirts of cities during a nocturnal wander. It is in clandestinity, then, that we return to the image, which, barely revealed, nevertheless plays the role of its own mask. Resolutely dark, the matter to Raphaël Denis is no less reflective.

BLACK HI-VIS #06, 2024
Encre sur textile et dispositif rétroréfléchissant
Textile ink and retroreflective device
154,7 x 236,4 cm


LA LOI NORMALE DES ERREURS : VALEURS AJOUTÉES

La loi normale des erreurs : Valeurs ajoutées, 2023-2024
Encre et graphite sur bois, quartz-zinc et documentation
Ink and graphite on wood, quartz-zinc and documentation
165 x 165 x 430 cm

L’épisode du « train d’Aulnay » sert de point de départ à l’installation La Loi normale des erreurs : Valeurs ajoutées. La connaissance des faits doit à l’action de Rose Valland, attachée de conservation au musée du Jeu de Paume au moment où l’ERR (Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg) y centralisait les objets spoliés avant leur répartition, leur vente ou leur destruction. En août 1944, alors que les troupes alliées progressent à grande vitesse vers la capitale, un reste de mobilier et d’œuvres d’art rescapées, en partie jugées « dégénérées » par les nazis, est chargé dans des camions vers la gare d’Aubervilliers, puis mis en caisse avant d’être embarqué dans les wagons d’un train promis au château de Nikolsburg, en Moravie. Documentant dans le secret l’ensemble des démarches entreprises par l’Occupant, Rose Valland notifie son supérieur Jacques Jaujard, directeur des Musées nationaux et membre du réseau Samson, de l’imminence de ce déménagement. Prévenue, la Résistance s’active pour saboter l’opération. Le train est immobilisé un temps à Aubervilliers, puis acheminé au Bourget, dans un profitable contexte de débâcle et de saturation du réseau ferroviaire. Le 27 août 1944, alertée par la sncf des efforts renouvelés de l’administration nazie pour accélérer le départ du convoi, l’Armée Leclerc l’intercepte de justesse à Aulnay-sous-Bois. Rose Valland note ainsi dans son carnet : « les wagons nous restent avec 148 caisses d’œuvres d’art ».

Si cette centaine de caisses du train no 40.044 renfermait un certain nombre d’œuvres d’artistes aujourd’hui célèbres de l’art moderne et de l’avant-garde, le travail de Raphaël Denis et la documentation qui l’accompagne établissent un récit alternatif à celui du légendaire « train-musée », notamment popularisé par le spectaculaire long-métrage The Train (1964). Aux côtés de quelques noms saillants figurait en réalité une foule d’artistes de second rang, dont les œuvres survivantes jouxtaient d’innombrables objets de moindre valeur saisis par l’Occupant (sommiers, commodes, machines à coudre, sucriers…). La fabrique du prestige attribué à ces 148 caisses a en outre contribué à masquer la réalité d’un train dont la majorité silencieuse des wagons – une cinquantaine au total – avait été chargé de mobilier pillé par la Möbel-Aktion allemande dans des appartements parisiens. Quant au dernier convoi de déportés, il quitte Drancy le 17 août 1944 et parvient pour sa part aux destinations prévues : Buchenwald, Ravensbrück. À son bord, 1301 vies humaines.

C’est donc précisément ce qui nous reste, pour réaiguiller les termes de Rose Valland, ou plutôt ce qui nous échappe de l’épisode du « train d’Aulnay » que Raphaël Denis met en scène dans Forschungen. Protéiforme, cette exposition réactive un vocabulaire auquel l’artiste nous a familiarisés. Celui-ci comprend la transcription méticuleuse d’archives (dans ce cas, l’inventaire des œuvres établi au moment de leur récupération), ou encore un lot de caisses de transport fabriquées à échelle réduite, couleur noir charbon. Ensemble, ces éléments reconstituent l’histoire dans toutes ses dimensions, croisant les destinées matérielles et humaines.

The “Aulnay train” episode is the starting point for the installation La Loi normale des erreurs : Valeurs ajoutées. Knowledge of the facts owes to the work of Rose Valland, a curator at the Musée du Jeu de Paume at the time when the ERR (Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg) was centralizing looted objects there, prior to their distribution, sale or destruction. In August 1944, as Allied troops advanced at high speed towards the capital, a remnant of surviving furniture and works of art, some of them deemed “degenerate” by the Nazis, were loaded onto trucks bound for the Aubervilliers railway station, then crated before being loaded onto the carriages of a train bound for Nikolsburg Castle in Moravia. Secretly documenting all the steps taken by the occupying forces, Rose Valland notified her superior Jacques Jaujard, director of the Musées nationaux and a member of the Samson network, of the imminent move. Warned, the Resistance set to sabotaging the operation. The train was immobilized for a time in Aubervilliers, then transported to Le Bourget, in a profitable context of debacle and saturation of the rail network. On August 27, 1944, alerted by the SNCF of the Nazi administration’s renewed efforts to speed up the convoy’s departure, the Leclerc Army intercepted it at Aulnay-sous-Bois. Rose Valland wrote in her notebook: “The wagons were left with 148 crates of works of art”.

While the hundred or so crates of train no. 40.044 contained a number of works by today’s most celebrated modern and avant-garde artists, Raphaël Denis’s work and its documentation establish an alternative narrative to that of the legendary “museum train”, popularized in particular by the spectacular feature film The Train (1964). Alongside a few prominent names, there was in fact a number of second-rate artists, whose surviving works stood alongside countless lesser-valued objects seized by the Occupiers (bedsprings, chests of drawers, sewing machines, sugar bowls...). The prestige attributed to these 148 boxes also helped to conceal the reality of a train whose silent majority of carriages - a total of about fifty - had been loaded with furniture looted from Parisian apartments by the German Möbel-Aktion. As for the last convoy of deportees, it left Drancy on August 17, 1944 and reached its intended destinations: Buchenwald, Ravensbrück. On board were 1,301 human lives.

It is precisely what we are left with (to reiterate Rose Valland’s words), or rather what eludes us from the episode of the “Aulnay train” that Raphaël Denis stages in Forschungen. This multi-faceted exhibition reactivates a vocabulary with which the artist has familiarized us. This includes the meticulous transcription of archives (in this case, the inventory of works drawn up at the time of their recovery), or a batch of transport crates made on a reduced scale in charcoal black. Together, these elements retrace the story in all its dimensions, crossing material and human destinies.


LA LOI NORMALE DES ERREURS : CARTELS

La loi normale des erreurs : cartels, 2024
Édition ouverte numérotée
Impression numérique de 126 cartes postales sur cartoline, dimensions variables
Open numbered edition
Digital print of 126 postcards on cartoline, variable dimensions

Exposition / exhibition
Forschungen, galerie Sator Komunuma 2024

© Grégory Copitet

Le présentoir et les rangées de cartes postales de La Loi normale des erreurs : Cartels constituent une manière détournée pour l’artiste de réifier les images. Objets de l’intime, du transit et de la vacance, ces cartes figurent toutes à leur verso des tableaux spoliés par les nazis, restitués après la Libération, et depuis présentés sur les cimaises de divers musées du monde. Parmi elles se trouvent documentées plusieurs dizaines d’objets embarqués à l’été 1944 à bord du « train d’Aulnay ». En flanquant leur face noble des numéros d’inventaire ayant été temporairement attribués aux œuvres et qui, souvent, portent les traces patronymiques de leur propriétaire, Raphaël Denis trouble notre perception de la valeur esthétique : le dispositif incite à repenser ce qui, au musée, mérite exposition.

The display rack and different rows of postcards from La Loi normale des erreurs : Cartels are the artist’s way of reifying images. Objects of intimacy, of transit and of vacancy, these cards all feature on their reverse side paintings looted by the Nazis, returned after the Liberation and now displayed on the walls of various museums around the world. Among them are documented dozens of objects taken aboard the “Aulnay train” in the summer of 1944. By flanking their noble sides with the inventory numbers that have been temporarily assigned to the works and which often bear their owner’s patronymic marks, Raphaël Denis unsettles our perception of aesthetic value: the device encourages us to reevaluate what, in the museum, deserves to be exhibited.


FORSCHUNGEN - galerie Sator Komunuma 2024


D’UN MUSÉE L’AUTRE

Après s’être intéressé aux collections privées juives spoliées pendant la Guerre par l’occupant nazi, Raphaël Denis se consacre aux musées et conservateurs allemands, victimes du même régime. Près de seize mille œuvres dites “dégénérées”, selon les critères définis par Berlin, ont été saisies dès les années 30 dans les musées allemands par les autorités. Cent vingt-cinq tableaux et sculptures furent envoyés par les nazis à la galerie Theodor Fischer, à Lucerne, en Suisse, pour être dispersés lors d’une vente aux enchères le 30 juin 1939. Le Kunstmuseum de Bâle et le Musée des Beaux-Arts de Liège y furent parmi les acheteurs les plus actifs. Des œuvres modernes de collections allemandes devinrent ainsi la propriété d’institutions belges et suisses. Ce fut à la fois pour ces musées acquéreurs mesure de protection d’œuvres en péril et enrichissement de leurs propres collections. Prélude à la réalisation d’une installation à l’échelle grandeur nature, la maquette de Raphaël Denis représente le moment où toutes ces œuvres ont été mises en caisses pour être proposées à l’encan. La caisse, comme objet de protection et transfert, évoque à nouveau les enjeux de conservation et de déplacement des œuvres, leur ballotage entre grandes puissances.

After having been interested in the private Jewish art collections that were looted during the war by the nazis, Raphaël Denis has now dedicated his research to German museums and conservators, victims of the regime. Close to sixteen thousand artworks deemed “degenerate” – according to the criteria defined by Berlin – were seized from German museums by authorities beginning in the 1930s. One hundred twenty-five sculptures and paintings were sent by the nazis to the Theodor Fischer Gallery in Lucerne, Switzerland to be auctioned off on June 30, 1939. The Kunstmuseum in Basel and the Musée des Beaux- Arts in Liege were amongst the most active buyers. Modern works from German collections thus became the property of Belgian and Swiss institutions. For these museums, this was both a means of protect endangered works and an enrichment of their own collections. As a prelude to the realisation of a life- size installation, Raphaël Denis’ model represents the moment when all of these works were put into crates and offered at auction. The crate as an object of protection and transport evokes the stakes of conserving and transporting artworks, as well as their shuffling between great powers.

LA LOI NORMALE DES ERREURS : D’UN MUSÉE L’AUTRE - 2022
bois, peinture, graphite et documentation / wood, paint, graphite and documentation
200 x 320 x 70 cm

© Grégory Copitet


BLACK PLASTERS

Depuis le XVIIe siècle, les outils de reproduction des images et objets d’art, tels que la chalcographie ou la technique du moulage, sont au service de la diffusion des collections nationales avec pour but la transmission des savoirs et du génie créatif. Il s’agissait également de porter une politique culturelle offensive, comme démonstration de la puissance de l’État, pouvoir royal ou république. À partir de moulages de bustes anciens acquis auprès du Musée d’Art et d’Histoire de Bruxelles et de la gypsothèque de la RMN, Raphaël Denis se livre à une entreprise de déformation de la représentation. Trempant les oeuvres dans des bassines de plâtre et les recouvrant de gomme arabique et d’encaustique, couches après couches, il s’attaque à leur intégrité, symboliquement transmise depuis plusieurs générations grâce à la reproductibilité du moulage. Dans un geste quasi iconoclaste, l’artiste met à mal le concept de conservation, le déplacement est ici créatif.

Since the seventeenth century, tools to create reproductions of images and art objects – such as chalcography as well as moulding and casting techniques – have been used to increase outreach of national collections with the aim of transmitting knowledge and creative genius. It was also a matter of carrying out an offensive cultural policy, as a demonstration of the state’s power, be it royal or republican. Using casts of ancient busts acquired from the Musée d’Art et d’Histoire de Bruxelles and the gypsothèque (a place where plaster casts are stored) of the RMN (Réunion des Musées Nationaux-Grand Palais), Raphaël Denis engaged in deforming representation. Soaking the works in plaster basins and covering them with acacia gum and encaustic, layer after layer, he attacks their integrity, symbolically transmitted for generations thanks to the reproducibility of the moulds. In an almost iconoclastic gesture, the artist challenges the concept of conservation. Here, the displacement is thus creative.

AGRIPPA - 2021
plâtre, gomme arabique et encaustique / plaster, arabic gum and encaustic
67 x 37 x 27 cm

FILIPPO STROZZI, BANQUIER - 2022
plâtre, gomme arabique et encaustique / plaster, arabic gum and encaustic
53 x 33 x 60 cm

ARISTOTE, PHILOSOPHE - 2022
plâtre, gomme arabique et encaustique / plaster, arabic gum and encaustic
48,5 x 27 x 23 cm

JEUNE FEMME - 2022
plâtre, gomme arabique et encaustique / plaster, arabic gum and encaustic
49 x 32 x 50 cm

GALLIEN, EMPEREUR ROMAIN - 2022
plâtre, gomme arabique et encaustique / plaster, arabic gum and encaustic
63,5 x 31 x 35 cm


BLACK PLASTER PRINCEPS


LA LOI NORMALE DES ERREURS

Cadres anciens et graphite sur bois noir, dimensions et propositions variables

L’installation “La loi normale des erreurs” est constituée d’un portrait peint à l’huile sur toile, surplombant une accumulation de cadres anciens datant de la fin du XIXe ou du début du XXe siècles, marchandés aux puces de la Place du Jeu de Balle à Bruxelles. Chacun de ces cadres est occulté par un format noir portant une inscription à la mine de plomb composée de lettres et de chiffres. Celle-ci renvoie aux numéros d’inventaire apposés par l’administration nazie sur les biens mobiliers spoliés en France à des centaines de familles juives ; parmi ces biens figuraient des tables, de la vaisselle, du linge, des instruments de musique, des livres, des objets décoratifs mais aussi de nombreux tableaux et dessins attribués à tous types d’artistes (anonymes ou célèbres, amateurs, petits ou grands maîtres).

The installation “La loi normale des erreurs” consists of a portrait painted in oil on canvas, overhanging an accumulation of antique frames dating from the late 19th or early 20th centuries, sold at flea markets on the Place du Jeu de Balle in Brussels. Each frame is obscured by a black format bearing a pencil inscription of letters and numbers. This refers to the inventory numbers affixed by the Nazi administration to the personal property looted from hundreds of Jewish families in France, including tables, crockery, linen, musical instruments, books and decorative objects, as well as numerous paintings and drawings attributed to all kinds of artists (anonymous or famous, amateurs or great masters).


LA LOI NORMALE DES ERREURS : STATUAIRES

KRÄ 230 / KISTE KRA 69 - 2019
textile, cordages, encre et graphite sur étiquette / fabrics, ropes, ink and graphite on label
76 x 54 x 27 cm

KRÄ 239 / KISTE KRA 18 - 2019
textile, cordages, encre et graphite sur étiquette / fabrics, ropes, ink and graphite on label
50 x 34 x 18 cm

KRÄ 229 / KISTE KRA 77 - 2019
textile, cordages, encre et graphite sur étiquette / fabrics, ropes, ink and graphite on label
90 x 52 x 27 cm

R 1549 - 2019
textile, cordages, encre et graphite sur étiquette / fabrics, ropes, ink and graphite on label
63 x 37 x 21 cm


LA LOI NORMALE DES ERREURS : VERNICHTET

Cadres anciens calcinés et graphite sur bois noir, dimensions et propositions variables

Cadres anciens calcinés et graphite sur bois noir, dimensions et propositions variables

Cadres anciens calcinés et graphite sur bois noir, dimensions et propositions variables

L’installation nommée La loi normale des erreurs : Vernichtet fait référence au supposé bûcher qui aurait réduit en cendres un ensemble de 500 à 600 œuvres en mai 1943 dans les jardins des Tuileries, à Paris. Elle se présente sous la forme d’une accumulation distribuée au sol d’une vingtaine de cadres, rendus noirs par des procédés de calcination à la lance propane ; ces derniers, aux dimensions très variables, renferment tous une surface noire satinée accueillant à la mine de plomb le mot « Vernichtet » en lettres majuscules. Vernichtet : détruit, anéanti, supprimé, exterminé. Vernichtet, comme cette annotation manuscrite ou tapée au bas de certaines des fiches d’indexation établies par l’administration nazie pour chacun des biens meubles saisis aux propriétaires juifs ciblés par la politique de confiscation ; parmi ces biens, que l’on peut identifier sur les bases de données de l’ERR, figure une part conséquente de peintures ou d’œuvres sur papier. Outre les œuvres d’art dites « dégénérées » souvent citées, comme celles de Picasso, Ernst, Arp ou Mirò, figurent dans cette base celles d’artistes méconnus. Ainsi découvre-t-on en parcourant ces listes que l’atelier de la peintre Alexandra Pregel, mentionnée par le suffixe « Aux », a été totalement vidé des centaines de productions qu’il contenait ; et à en croire l’ensemble des fiches relatives à ces œuvres, celles-ci furent toutes détruites.

The installation entitled La loi normale des erreurs : Vernichtet refers to the supposed pyre that reduced to ashes a group of 500 to 600 works in May 1943 in the Tuileries gardens, Paris. It takes the form of an accumulation of some twenty frames, distributed around the floor and rendered black by a process of calcination with a propane torch. The frames, which vary considerably in size, all contain a satin-black surface with the word “Vernichtet” in capital letters. Vernichtet: destroyed, annihilated, suppressed, exterminated. Vernichtet, like the handwritten or typed annotation at the bottom of some of the index cards drawn up by the Nazi administration for each of the movable assets seized from Jewish owners targeted by the confiscation policy; among these assets, which can be identified on the ERR databases, is a significant proportion of paintings or works on paper. In addition to the “degenerate” works of art often cited, such as those by Picasso, Ernst, Arp or Mirò, this database also includes works by lesser-known artists. For example, we discover that the studio of the painter Alexandra Pregel, mentioned with the suffix “Aux”, was completely emptied of the hundreds of works it contained; and if we are to believe all the records relating to these works, they were all destroyed.

VERNICHTET, installation 2016

VERNICHTET, installation 2016


EUROPA

Après des séries d’œuvres attachées à l’histoire récente et en particulier à celle de la Seconde Guerre mondiale, perçue à travers des documents relatifs aux œuvres d’art alors soumises au pillage, Raphaël Denis livre avec EUROPA une exposition plus prospective, indissociable du climat qui s’est développé ces derniers années sur le « Vieux continent » et attachée à la question du territoire, envisagée dans une perspective éthologique. Les œuvres réunies à cette occasion, réalisées entre 2009 et 2017, condensent des réflexions sur les symboles, anciens et récents, de la conception européenne du territoire. Elles suggèrent également l’omniprésence du champ de ruines, ce paysage familier auquel a fréquemment abouti l’affrontement des nations – entités toujours présentées comme l’un des principaux moteurs du monde contemporain, liées à un territoire défini, constituées autour d’un socle de valeurs communes et d’une histoire partagée, qui rassemblent tout autant qu’elles rejettent.

After a series of works focusing on recent history, and in particular the Second World War, as seen through documents relating to works of art looted at the time, Raphaël Denis presents EUROPA as a more forward-looking exhibition, inextricably linked to the climate that has developed in recent years on the “Old Continent”, focusing on the question of territory from an ethological perspective. The works gathered for this occasion, created between 2009 and 2017, condense reflections on symbols, old and new, of the European conception of territory. They also suggest the omnipresence of the field of ruins, that familiar landscape to which the confrontation of nations has frequently led; entities always presented as one of the main driving forces of the contemporary world, linked to a defined territory, constituted around a foundation of common values and a shared history.